« Non, merci, Monsieur, je n’ai pas eu d’enfance malheureuse ni d’accidents traumatisants au cours de ma vie. De tout temps, passionné de peinture, tout naturellement, je suis devenu peintre.
Mon travail en tant que peintre est le résultat d’une nature personnelle…
Brut et marginal ? Je veux bien (par les temps qui courent, j’en suis fier!) mais il faut y ajouter d’autres choses encore : primitif, baroque, humoriste, pompier et, s’il vous plaît, anéanti politique, saboteur culturel, anarchiste doux, universaliste sans moyens, humaniste distancié et même peintre.
Mais, s’il faut mettre un nom qui englobe toutes mes qualités, ce sera tout simplement : idéaliste…
… Mon choix est sans réserve. Je suis pour l’irrévérence, l’insubordination, l’irréalisme, l’absurde, la rêverie, la folie, l’utopie, le désir. Je suis solidaire de ceux qui, par volonté ou par la « force des choses », s’installent dans le terroir sauvage et fertile de l’idéal et contribuent, selon leurs moyens, à la création nouvelle et tout autre. »
CHICHORRO – 1978
« Ce qui est du ressort du peintre, ce qui, actuellement, doit l’intéresser le plus, c’est le voyage solitaire et égoïste vers les contrées de l’irrationnel que seulement la peinture (avec sa liberté et ses moyens actuels), ainsi que la pensée pure peuvent atteindre.
Dans ces contrées vierges et fertiles se trouvent les sources de toutes les formes. Le voyage en vaut la peine.
A force de rationalisme trop étroit, de fonctionnalisme trop direct, d’utilité, de nécessité, d’économie, notre société est en train de devenir trop stricte et monotone; elle s’appauvrit. D’utilité en nécessité, on tombe fatalement dans la crise, la pénurie et, on l’a déjà vu, dans l’anéantissement et la désertification.
Contre cela je suis, pour la « baroquisation » de la société. Je suis pour les dentelles, les perruques, les figures de proue, les pendeloques et les baldaquins. Je suis pour tout ce qui tend à la variété, à l’exubérance et à la complication des formes, au goût de l’inutile, à l’exploitation de l’irrationnel, à l’exaltation de la vie.
… Mes tableaux sont le résultat du conflit, commun à tous, entre le rêve et la réalité. Dans les mêlées de ce conflit, je prends des risques et je tombe souvent pitoyablement dans la caricature, le mauvais goût, l’absurde, l’anti-culturel. Pas étonnant que tout cela m’approche de « l’art brut », là où l’on trouve le plus de tension émotionnelle, d’angoisse d’exister, d’engagement (volontaire ou non), de dénonciation de soi-même, enfin, de vitalité. »
CHICHORRO – 1982
« … Mario CHICHORRO s’est enfiévré dans sa propre production sans regarder ailleurs, en se singularisant au contraire toujours plus, en élaborant sa mythologie personnelle, qui est devenue riche, complexe et fascinante. Il réussit à être extraordinairement original sans cesser d’être communicatif : son langage, c’est celui, direct, de l’humour, de la poésie, de la sensualité visuelle et tactile, C’est pour cela qu’il se trouve dans un porte-à-faux très stimulant entre la culture et l’art brut. Socialement, il reste intégré, distinct, par conséquent des auteurs d’art brut. Esthétiquement, il se rapproche de l’art brut. Il se laisse mal classer, c’est un gêneur, comme tous les vrais artistes… »
Michel THEVOZ
« …Mario est aussi un contestataire. Artiste roman égaré en ce siècle, un peu comme Brassens avait un pied dans le Moyen Age, il appartient à la famille de ceux qu’on aimerait appeler des MEDIEVAUX CONTEMPORAINS… »
Laurent DANCHIN
« … Le spectateur est attiré, la plupart du temps, séduit. S’il passe rapidement, il s’en retournera en retirant de cette expérience un superficiel plaisir de l’oeil. Mais s’il s’attarde quelque peu, alors, il pourra être contaminé : son entendement sera dérouté, sa tranquille assurance ébranlée; car cette peinture rend inconnu le connu, perturbe le grand réducteur porté sur les choses et réveille la faculté de s’étonner.
Avec sa puissance séditieuse, sa faculté de tranformer le regard, de susciter l’étonnement, de déconditionner, son exceptionnelle inventivité formelle, la peinture de CHICHORRO, venue des granges de la scène artistique, est en train d’intervenir avec force dans le débat contemporain. »
Bernard CHEROT